• Chap 3. - Souvenirs...

    « -Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ?!
    -Hé, les gars, regardez Multimorphus ?!
    -Mais... Il est assommé !
    -Celui qui l'a vaincu doit être super fort !
    -Et super rapide, si ça se trouve on l'a croisé et on n'a rien vu !
    -Hé, regardez ! Toutes les caméras ont été détruites !
    -Comment... On va... Annoncer ça aux patrons ?
    -Ça va gueuler... Moi je dis, on s'en va et on fait comme si on n'avait rien vu...
    -Oui et déjà que la disparition de je sais plus quelle prisonnière cryo les a foutu en pétard et que c'est retombé sur nous, pas la peine de dire que ça va être notre fête si c'est nous qui leur apprenons que leur précieux Multimorphus est dans le coaltar et qu'il y a le type qui l'a défoncé qui court en liberté...
    -Ouais, donc les gars, on se casse... »
    Quelle chance, se dit Mystère, qu'on ait été cachées !
    « -Et maintenant ?, mima-t-elle à son amie.
    -Maintenant, on attend », lui répondit cette dernière de la même façon.
    Et elles attendirent patiemment, sans faire de bruit.
    Un des Triums entra finalement dans la pièce dévastée, précédé d'une tornade de hurlements. Il s'arrêta enfin de hurler et ouvrit de grands yeux ronds lorsqu'il vit Multimorphus étalé par terre, inconscient.
    La tension était presque palpable. Le Trium contempla pendant quelques secondes son grand soldat vaincu, et finalement... se remit à tempêter.
    Il lâcha en tout premier lieu une inimaginable bordée de jurons dans au moins cinq langues différentes, que je ne retranscrirai pas ici tout d'abord pour la simple et bonne raison que la bienséance m'y oblige, et ensuite parce que je ne sais pas comment s'écrivent la moitié des mots qu'il employa.
    Ce monceau de grossièretés entraîna un fou rire silencieux de Chini et Mystère, qui avaient beau avoir respectivement 16 et 17 ans, avaient toujours du mal à garder leur sérieux lorsque quelqu'un pétait un plomb. Surtout lorsque le quelqu'un était un fichu Trium, dans une fichue salle défoncée et dans une fichue situation impensable...
    Finalement, Mystère reprit son sérieux et poussa du coude Chini pour qu'elle en fasse autant et... Cette dernière poussa un long hurlement et sauta par terre... et grandit, grandit... Grandit... Atteint une dizaine de mètres de hauteur et se mit à crier d'une voix rauque, basse et grondante, caverneuse comme un éboulement de roches hurla d'un ton effrayant comme un jour sans soleil :
    « -TOUCHE ! PAS ! A MON PERE ! »
    Le Trium, estomaqué, ne bougea pas lorsque l'énorme poing s’abattit sur lui et l'écrasa sur le sol. Lorsque Chini enleva son poing, ce qui était auparavant un immense tas de muscles sans cervelle drapé dans la cape rouge des dirigeants, s'était changé en un tas informe de bouillie vaguement rosâtre drapé dans une cape rouge sombre de sang.
    Rouge, rouge, rouge. Chini voit rouge. Rouge sang, colère, peur, douleur. Sang. Plus de sang.
    L'immense mastodonte s'ébranle et se met doucement en marche. Brise d'immenses trous dans les murs. Et part au centre. Mystère ramasse la maman de Chini, que cette dernière lui a confiée avant de se transformer. La colère de son amie l'atteint en plein cœur. Du coup elle décide de la suivre, histoire d'essayer de l'empêcher de faire une connerie.

    Au cœur du château, il y a une immense salle blanche, marbre, grande pompe avec d'immenses piliers ciselés, les tapisseries imposantes montrant d'anciens rois ou de gigantesques champs de bataille. A part ces tapisseries, tout est blanc, d'un blanc glacial, glaçant, froid -blanc comme la mort. Blanc, blanc, blanc, tout ce blanc blesse les yeux. L'énorme table en bois noir brise la monotonie de cette étendue de pierre blanche. C'est à cette table que les deux Triums restants sont assis avec leurs généraux et établissent leurs plans.

    En suivant la piste sanglante de cadavres et murs brisés, semée par Chini dans sa colère telle un macabre petit poucet, Mystère se rend compte que c'est vers cette salle que se dirige son amie.
    Cette salle est piégée.
    Cette salle est un immense piège. Il suffit d'appuyer sur un bouton rouge pour qu'elle se comprime sur elle même et écrase tout ce qu'elle contient. Une autre pression et la salle revient à son état normal. Il n'y a plus qu'à nettoyer la bouillie rosâtre au sol et au plafond, et il n'y a plus aucune trace du piège.
    Chini a oublié le piège. Elle se dirige droit dedans. A mesure que Mystère la rattrape, elle essaye de la prévenir. Surtout quand elle voit tous les généraux en cape rouge et armure brillante qui passent entre les jambes en tronc d'arbres et se dirigent massivement, comme un essaim d'insectes étranges, vers la salle de commandement. Mystère court pour rattraper l'immense géant et, médusée...
    Chini entre dans la pièce et voit dans un brouillard rouge sang les deux Triums restants qui se lèvent en ouvrant de grands yeux. Ils la prennent pour Multimorphus et se demandent comment il a pu se sortir de l'influence du sérum. Mystère ne rentre pas.
    La salle commence à se refermer.
    La salle. Commence. A se refermer.
    La. Salle. Commence. A. Se. Refermer.
    Chini est déjà à l'intérieur. Un morceau non-identifiable d'un des Triums est éjecté de la salle.
    Le plafond se baisse lentement dans un fracas de fin du monde, pire qu'un grincement, un long gémissement qui semble durer éternellement à Mystère, une immense plainte qui se répercute en écho sur les murs, le sol, le plafond si lisses.
    Mystère se cache les yeux en tremblant. Elle sait qu'elle devrait essayer de faire quelque chose, arrêter cette machine infernale – mais elle ne sait pas comment. Elle s'attend à tout instant à reprendre son apparence originelle, à voir les couleurs inonder sa peau. Elle va se cacher au sommet d'une colonnade car elle entend des soldats qui arrivent au petit galop.
    La patrouille passe en ligne raide devant la porte de la salle ; dont le plafond se baisse toujours avec un bruit d'engrenages rouillés et une lenteur abominables.
    Soudain, dans un « couac ! » surpris, le plafond cesse de descendre. Et avec l'affreux bruit caractéristique des mécaniques malmenées ; il se met à remonter et retrouve sa place originelle. Puis retentit le grincement d'une pièce métallique que l'on arrache à son support, ponctué par l'immense « CLANG ! » du rail que l'on jette au sol.
    Un gigantesque bruit de chute clôt la série de sons métalliques en provenance de la pièce piégée.

    Chini sort enfin de l'immense salle.
    « -Mystère, descend. Faut qu'on s'en aille, tout va s'effondrer.
    -Mais Chini, et ton père ?
    -Aaaah punaise je l'avais oublié.
    -On va le chercher ?
    -Oui, mais réellement, fissa, parce que tout va vraiment se casser la gueule sur nos tronches. »
    Les deux jeunes filles courent dans les couloirs, et reviennent enfin au sous sol.
    « -Chini ?
    -Oui ?
    -Le jour va se lever.
    -Et alors ?
    -Alors, ça fait longtemps qu'on n'a pas vu le Soleil.
    -C'est vrai... »
    En arrivant à la salle du sous sol où Multimorphus les a attaquées, les deux comparses ont un choc.
    Le géant a disparu. Elles se regardent, puis ont, semble-t-il, la même idée en même temps. Elles courent vers la salle de contrôle, et empoignent en même temps les micros qui servent à annoncer sonorement des nouvelles dans tout le château. Et elles hurlent en même temps, leurs voix amplifiées se répercutant dans les hauts-parleurs tandis que les murs commencent à trembler :
    « -Que tout le monde sorte de ce château ! Tout va s'effondrer, alors si vous tenez à la vie, fuyez vite ! »
    A ces mots, une foule impressionnante, hurlante, de soldats, chercheurs, cuisiniers et autres ; piétine les généraux postés à l'entrée comme s'il s'était agi d'une troupe de cafards répugnants. Les deux complices, voyant que tout le monde ou presque s'est enfui à temps -y compris un vieillard claudiquant, ce qui interpelle particulièrement Chini, qui sait qu'en théorie il n'a rien à faire ici- n'ont plus d'autre ressources devant l'effondrement des murs sur eux-mêmes, pour éviter de se prendre un plafond et plusieurs étages sur la figure, que de monter sur le toit et s'accrocher à la flèche durant leur descente horizontale vers le sol et vers une autre ère.
    Chini entend alors très distinctement, alors qu'elle rappelle son énergie investie dans la métamorphose autour d'elle :
    « -Je suis fière de toi, ma fille. »
    Sa mère, assise à côté de Mystère, sourit, d'un sourire si lumineux qu'il réduit à néant les efforts que fait le Soleil naissant pour éclairer Mulgor. Cette dernière dit d'un air dubitatif :
    « -Je m'en voudrais de briser l'instant, mais... c'est qui ce vieux, là, qui nous fait des signes ?
    -Tiens c'est vrai, remarque Chini. D'ailleurs il avait pas une canne tout à l'heure ?
    -Euh je sais pas... Si, peut-être, remarque, maintenant que tu le dis...
    -Eh, mais regarde le comme il a l'air content, on dirait que c'est le plus beau jour de sa vie ! Et pourtant, on vient de tout casser.
    -Chini, regarde ses bras », dit Mystère d'une voix soudain très basse, comme si elle venait de subir un choc.
    Chini dirige son regarde acéré vers les avants-bras du vieillard, et y décèle de nombreux points rouges, comme s'il avait été piqué à ces endroits à de nombreuses reprises.
    « -Mystère ?
    -Oui ?
    -Je sais qui c'est ce vieux.
    -Alors c'est qui ?
    -Tu verras quand on sera en bas. Je ne parlerai que sous la torture ! »
    Cependant le sol approchait. La mère de Chini était restée silencieuse pendant toute la descente, l'air anxieux, comme si elle cherchait des yeux quelqu'un qui demeurait introuvable. Chini l'aide à descendre de la petite plate-forme au sommet de l'ex-dôme de la flèche, qui est maintenant la petite-plate-forme-au-sommet-d'un-tas-de-ruines. Qui, faut-il le préciser, tiendra dans le futur la meilleure place d'un musée où sont exposées tout un tas de vieilleries sans importances.
    Mais revenons à l'instant présent.
    Dans l'instant présent, Multimorphus (oui, c'est lui le petit vieux de tout à l'heure) est en train d'expliquer à Chini, à sa mère et à Mystère que c'est là sa réelle apparence, qu'en vérité il s'appelle Anton Griggs et qu'il ne souhaite plus utiliser son don, car il lui a déjà attiré trop d'ennuis à cause de ça. Je ne sais pas s'il est utile de préciser qu'il tiendra cette résolution trois jours. La mère de Chini fait également une sorte de coming-out en avouant qu'elle est également multimorphe.
    Les révolutionnaires du refuge de la côte reviendront dans la ville. On reconstruira un palais par dessus les décombres de l'ancien. On rouvrira l'école, la bibliothèque, on construira tout un tas de bâtiments plus ou moins inutiles et on mènera des campagnes pour distribuer gratuitement de la choucroute aux habitants de Mulgor – juste pour le plaisir de dilapider quasiment toute la fortune que les Triums gardaient si jalousement après l'avoir amassée durant toutes ces années.
    Les quelques centimes qui restaient voudront être jetés par les fenêtres par les citoyens reconnaissants, pour ériger au centre de la ville une énorme statue de Mystère, Chini et les parents de cette dernière ; mais ils refuseront et à la place, ouvriront un immense bâtiment où on pourra voir d'immenses photos de tous les habitants, de tous les prisonniers et de tous les révolutionnaires, le tout dans un parfait désordre – la seule concession qui sera faite à l'harmonie était la précision du nom de chacun sur les photos. Les Mulgoriens concéderont que cette idée est meilleure et se rueront pour se chercher sur les murs de la bâtisse, que l'on voudra baptiser avec éloquence et raison Musée Des Photos Des Gens Qui Ont Vécu Sous Le Régime Politique Le Plus Débile Jamais Exercé De Tous Les Temps ( soit, pour faire plus court, le MDPDGQOVSLRPLPDJEDTLT – ce qui reste quand même très très long). Mais comme c'était vraiment trop trop long à retenir, on gravera juste cette phrase sur le fronton au dessus de la porte, et on appellera cet endroit Souvenirs De Mulgor.
    Toutes ces modifications se feront sous la houlette d'une bande de délurés comprenant Anton Griggs, Mystère, Chini, sa mère et quelques autres, jamais à court d'idées pour dépenser de l'argent – ou pour en gagner. Ce seront des dirigeants justes, honnêtes et surtout, adorés de la population qui, à leur mort, les pleurera beaucoup.
    Mais on n'en est pas encore là.
    Pour l'instant, la caméra se balade au petit bonheur dans les rues selon un magnifique plan plongé très étudié, le tout pour constater qu'elles sont absolument déserte. Un type qui crie dans la rue nous crie de nous grouiller parce qu'on est en retard, et que si on se dépêche pas y'aura plus de choucroute à manger.
    Ben oui, normal, on doit célébrer... le mariage des parents de Chini ! Et un peu la libération de la ville, accessoirement.
    (Tout le monde est invité. Plus on est de fous, plus on rit ! Choucroute à volonté pour les affamés!)


  • Commentaires

    1
    Mardi 22 Mars 2016 à 23:14

    Ok, c'est quoi le truc avec la Choucroute ? ^^ Et bien sur que je viens au mariage !!

    Tu sais, j'ai pas compris tout de suite qu'on arrivait à la fin.

    Toute la partie où Chini est allée vers la salle piégée et jusqu'à l'évacuation du bâtiment, j'ai retrouvé ta façon d'écrire. C'était plus détail. Comme si tu t'étais posé pour nous raconter cette partie.

    Ou sinon, tu nous racontes tout sans approfondir. Après, c'est vrai qu'il y a certaines blagues qui sont vraiment pas mal. Mais c'est dommage, quand on sait ce que tu peux faire. En même temps, je me dis que c'est un style d'histoire, tu vois ? Raconter une petite histoire, rapidement.

    Euh, je crois que j'ai tout dis...

      • Mercredi 23 Mars 2016 à 12:01

        Euh... un délire x)

        Bon, un truc qu'il faut dire, c'est que y'a des parties que j'ai reprises avant de la publier (donc y'a un an) et d'autres, non, mais celle-là, je crois me souvenir que je voulais qu'elle dure plus longtemps.

        Oui, c'est un style, mais c'est aussi pour ça que je disais que je la réécrirai peut-être un jour :3

        Ah. :'(

      • Mercredi 23 Mars 2016 à 14:10

        Ok ^^

        Mm, ça se voit. Il y a certains passages plus travailler que d'autre, on va dire.

        Un jour peut être...

      • Mercredi 23 Mars 2016 à 16:21

        J'ai eu envie de foutre un truc complètement dafuq

        C'est très possible u.u

        Peut-être ^^

      • Mercredi 23 Mars 2016 à 17:57

        Ok ^^

        Mais peut être qu'il ne vaudrait mieux pas toucher à ce texte. 

      • Mercredi 23 Mars 2016 à 18:06

        Ouais, peut-être u.u

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