• Chapitre 2 - L'heure de la révolution a sonné

    Conversation enregistrée par les services de recherche robotiques le 8 juillet 4725 à minuit vingt-trois.

    -Appelle le matricule 75466_879446. Réponse demandée.
    -[pas de réponse durant plusieurs minutes]
    - 75466_879446, réponse exigée. N'êtes pas là où devriez être. D'après votre trace bio-ionique, êtes à 35°EST, 67°NORD, référents méridien 15 et parallèle 4. Pourquoi ?

    -Je refuse de répondre à ta question.
    -Matricule 75466_879446, réponse expressément exigée. Répondez.
    -Je te prie de ne pas m'affubler de cette suite de numéros vides. Je ne lui corresponds pas.
    -Qui porte la signature du matricule 75466_879446 ?
    -Je vais la désactiver, elle ne sert à rien à Alpha.
    -Signature bio-ionique introuvable. Prière de la réactiver ou impossibilité d'entrée à la base.
    -Je me contrefous de cette putain de base.
    -Langage incorrect. Excuses exigées.
    -Nope.
    -Mot non présent dans la base de données. Traduction demandée.
    -Va te faire foutre.
    -Langage incorrect. Prière de respect à...
    -Oui, merci, mon supérieur hiérarchique. Je pouvais partir alors je l'ai fait au lieu de rentrer bêtement dans mon caisson. Je cherchais les hommes.
    -Où sont-ils ?
    -J'te l'dirai pas !
    -Combien sont-ils ? Si renseignements donnés... [changement d'interlocuteur] les hommes ? Parlez, où se cachent-ils ? Quels moyens ont-ils à leur disposition ? Vous aurez un haut grade, serez promu, un vrai héros lorsque nous aurons écrabouillé cette vermine ! Répondez !
    -Toi et ta société, allez vous faire foutre. Et les anciens en premier, tiens. J'ai verrouillé mes codes, changé mes mots de passe et désactivé mon GPS et ma signature. Vous ne me retrouverez jamais... Mais moi je reviendrai !
    -Qu'est-ce que cela signifie, 75466_879446 ?
    -Oh oui, je reviendrai... Et je botterai ton cul tout blanc et tout propre de raclure à la solde des grands!

     

    Le 5 avril 4728, quatorze heures cinquante-sept.

    Il entra dans la pièce où un petit robot pianotait sur des claviers et des écrans, seule source de lumière. Il n'y avait aucune fenêtre. L'intrus donna un coup de poing dans une caméra, l'éteignant et faisant apparaître du noir parasité sur un des écrans du mur de gauche. Le petit robot se retourna.

    L'inconnu était grand, enveloppé dans un long manteau noir dont le capuchon lui masquait le visage. Ses hautes bottes remontaient sur un pantalon noir, il paraissait l'obscurité incarnée. Il écarta légèrement les jambes pour assurer sa stabilité et tira une longue faux du petit tube que tenait sa main gantée. Une immense fleur rouge sang se numérisa, assemblant ses pixels pour entourer amoureusement l'allonge de l'arme jusqu'à la lame d'un turquoise métallique, où elle éclot dans une gerbe de pétales enflammés au cœur noir comme la nuit.

    « -... L-la Faux de la Mort...
    -Tu te rappelles du matricule 75466_879446 ?, demanda l'Ancien d'une voix grave et roulante comme un coup de tonnerre.
    -Insolent et irrespectueux, une vraie plaie ! Sa perte fut une bénédiction, votre Grandeur.
    -Tu te souviens des dernières paroles qu'il t'aie adressées ?
    -Sauf votre respect, il me menaça en ces termes ''un jour je reviendrai botter ton petit cul tout blanc et tout propre, espèce de raclure à la solde des Grands''.
    -Tu as une bonne mémoire ! Et ça ne te servira à rien... »

    La Faux releva son capuchon, mais le visage qui apparut n'était pas le masque noir et lisse du terrible bourreau des Anciens... Non, c'était un visage blanc aux grands yeux noirs. Un semblant de sourire se dessina sur sa mâchoire en métal, et il abattit la faux, tranchant le cou du petit robot.

    « -Erwann, mon ami, annonça Alpha en parlant au vide, tu es un pur génie. Et toi, le truc mort, mon nom à moi c'est Alpha. »

    Il rit tout seul. Sa vengeance était totalement mesquine et il adorait ça. Il était incroyablement satisfait. Mais comme se faire passer pour un fantôme n'était pas le mieux à faire maintenant qu'il était entré, il retira son déguisement, le numérisa dans une clé et enfila la bouse du fonctionnaire et son badge, puis fourra la clé et le tube qui contenait la faux dans sa poche. Il sortit d'un pas raide de robot bien mécanique et vieillot. Un vol d'identité ça ne se fait pas comme ça, il faut s'entraîner avant. Alpha ne devait pas rire en repensant à ses séances d'entraînement à lui... Erwann n'arrêtait pas de lui dire qu'il devait marcher comme une vieille, sa sœur comme s'il n'avait pas de genoux et sa copine, comme s'il avait un balai dans le fondement. Ces comparaisons le faisaient tellement rire qu'il n'arrivait plus à rien. Mais il avait finalement réussi à imiter parfaitement le pas raide et engoncé des vieux robots, ceux qui effectivement, n'avaient pas les genoux au point.

    Il tourna à gauche à une bifurcation, en se retenant toujours de rire. L'heure était grave. Ce n'était pas le moment de faire une gaffe. Une seule, et il était mort.

    L'heure de la révolution avait sonné.


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