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Chute
Ne faites pas ça chez vous les enfants. Cette nouvelle chope les lois de la physique, y fait un paquet de noeuds et s'assoit dessus jusqu'à ce que quelqu'un me prouve que les dimensions prises pour les ailes sont réalistes pour le poids p=55kg de mon personnage. Voilou... :3 Bonne lecture quand même. Mais surtout faites vraiment pas ça chez vous. On peut se faire mal à faire des conneries comme ça.
Les ailes se déploient avec un claquement sec, le vent soulève leur toile huilée.
L'armature en bambou vibre légèrement. Le vent est fort. C'est le jour idéal.
J'étends les bras et les passe dans les boucles de cuir qui pendent sous mes ailes. Les jointures des articulations qui servent à pencher les ailes d'un côté ou de l'autre, en théorie pour tourner, sont un peu secouées. Je suis attaché au dispositif par un genre de harnais avec un baudrier et j'ai les bras reliés directement aux ailes: baisser un bras revient à baisser une aile.
Aujourd'hui j'essaie le vol plané. Je sais qu'avec l'envergure que j'ai prévu pour mes ailes, plus de cinq mètres de long pour trois de large, je devrais au moins pouvoir planer. Avec le grand vent, au pire, ça me fera une bonne surface de parachute. Sous la falaise il y a la mer, pas un seul rocher, si je tombe quand même... Une centaine de mètres de paroi à pic séparent la mer de l'endroit où je me tiens. Je vais essayer d'atteindre la plage. Longer la falaise sur deux cent mètres.
Si j'arrive en volant ça aura quand même plus de panache que si je me pointe trempé avec des bouts de bambous bêtement accrochés derrière moi, en crachant de l'eau et à la nage en plus.
Je respire un grand coup. C'est l'heure de vérité, le grand saut. Savoir si mon rêve est une chimère ou une réalité.
Est-ce que je vais pouvoir voler?
Je prends une seconde inspiration, bloque ma respiration et saute du haut de la falaise.
Je tombe comme une pierre sur les vingt premiers mètres. La mer se rapproche à une vitesse vertigineuse. J'arrive finalement à enfiler les pieds dans les boucles qui pendouillent bêtement derrière moi. J'étends les bras, les ailes claquent à cause de l'air qu'elles se prennent d'un coup.
Je ne ralentis pas le moins du monde. L'espace d'une seconde, j'ai peur: je vais me taper un plat et peut-être mourir...
Et soudain un souffle d'air chaud me cueille et j'arrête de tomber. Même mieux, je remonte!
Je vole!
Je m'oriente vers la plage. Le virage est fluide, je plane vers la plage, et je perds lentement de l'altitude.
Manifestement pas assez lentement. Je bats des bras, entraînant la grande carcasse de bois et de toile dans le mouvement, et je regagne de la hauteur au dessus de la mer.
J'arrive finalement à la plage où j'atterris avec panache. Je commence avec peine à me dépêtrer des sangles qui me tiennent partout, qu'elle se précipite vers moi, les bras ouverts.
Elle, c'est Lina. C'est la fille que j'aime, sans jamais avoir osé lui dire. Finalement j'ai été lui parler, et j'ai juste réussi à devenir ami avec.
Et au moment où elle commence à me couvrir de louanges et à refermer ses bras minces autour de moi...
Je me réveille.
Une chambre blanche. Une odeur de médoc. Je me demande ce que je fais là au juste... Et je me rappelle.
Les ailes, je les ai vraiment fabriquées. Sauf que ça n'a pas marché aussi bien que dans mon rêve.
Je me suis viandé. Mais vraiment. Je me suis cogné dans la falaise en tombant et j'ai réussi à regagner la plage par je ne sais pas quel espèce de miracle à la seule force des bras, les jambes empêtrées dans la toile et le bois brisé.
Je suis resté super longtemps allongé sur le sable, puisque je n'avais prévenu personne, en me demandant qui me trouverait en premier, entre les gens et la marée. Par bonheur ça été les gens. Enfin j'avais déjà de l'eau de mer à la taille lorsque les vagues remontaient et pas la force de bouger.
C'est Lina qui m'a trouvé.
J'avais une jambe cassée, je saignais de partout à cause des échardes et je pouvais à peine répondre quand on me parlait. Bizarrement je me rappelle pas avoir eu mal.
Finalement j'ai fini dans cet hôpital. Moche. Blanc, stérile, avec une odeur de vieux à faire vomir le mec le plus dénué d'odorat de la planète...
Mais un jour je volerai. J'en ai fait le serment. Je le refais tous les soirs.
C'était la toile qui était trop lourde, ou le vent qui allait pas dans la bonne direction. Toujours est-il que le hic, c'est que je me suis bouffé la paroi. Sinon, je suis sûr que ça aurait marché. Certain. Obligé. Pas le choix. C'était obligé de marcher.
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